La Fondation Robert Krieps est fière d’avoir pu présenter, peu avant le vingtième anniversaire de son décès en 2010, un livre sur Robert Krieps (1922-1990), l’homme politique luxembourgeois qui a largement contribué à poser les fondements, politiques, éducatifs et culturels, de ces dernières décennies. Pour Krieps, les idéaux humanistes de liberté, d’égalité, de fraternité, de solidarité et de tolérance n’étaient pas que des mots ou des concepts. Il les vivait pleinement, pour en avoir été privé pendant son internement dans les camps de concentration nazis, et il lui tenait à coeur de les traduire en politique.
Robert Krieps a marqué son époque en tant que juriste, militant socialiste et comme président de son parti, comme ministre de l’éducation, de la justice, de la culture et de l’écologie et surtout en tant qu’homme politique droit et particulièrement franc, défendant tout au long de sa vie les causes qui lui étaient chères: la démocratie et l’engagement politique, la justice et les droits de l’Homme, l’éducation et la culture pour tous.
Dans la première partie du livre, qui est en quelque sorte une « biographie à voix multiples » de Robert Krieps, les éditeurs ont pu rassembler vingt-cinq réflexions et témoignages sur Robert Krieps, dont vingt textes inédits, autour des quatre grands thèmes de « Démocratie », « Justice », « Culture » et « Éducation ». Partant de l’exemple de son père député socialiste et de ses expériences dans la résistance antifasciste et les camps de concentration nazis (contribution de Marc Limpach), Robert Krieps entre activement en politique dans les années soixante en étant élu député de 1964 à 1968 et en devenant président du groupe parlementaire en 1968 (contribution de Ben Fayot) avant de devenir ministre de 1974 à 1979, dans le gouvernement Thorn-Vouel (contributions de Benny Berg et de Jean Hamilius), puis de 1984 à 1989, dans le premier gouvernement Santer-Poos (contributions de Benny Berg et de Jacques F. Poos). Dans cette même section, Alain Meyer, vice-président du Consistoire israélite de Luxembourg de 1983 à 2004, rend particulièrement hommage à Robert Krieps en tant que « garant de la mémoire collective et ami fidèle du peuple juif ».
Dans la coalition de centre-gauche de 1974 à 1979, Robert Krieps était responsable de la justice, de l’éducation nationale et de la culture. Il abolit la peine de mort, mit en œuvre la réforme de l’exécution des peines et engagea de nombreuses réformes juridiques qui modernisèrent la société luxembourgeoise. Dans la section « Justice », sa secrétaire de longue date, Rolande Scholtes-Petry relate ses souvenirs de son « patron » avocat puis ministre. Ses collaborateurs au Ministère de la Justice, Charles Elsen et Marc Mathékowitsch, se rappellent leurs expériences avec un ministre particulièrement ouvert aux idées nouvelles, poussé par le désir de moderniser notre législation et son ancien associé, Maître Gaston Vogel, analyse cette « révolution paisible des lois et des moeurs » dont Krieps était à l’origine.
Georges Ravarani, juge au tribunal administratif, Nic Klecker, ancien président de la Commission consultative des droits de l’Homme, Lydie Err, députée, et Dean Spielmann, juge à la Cour européenne des droits de l’homme, traitent respectivement de quatre thèmes particulièrement chers au juriste et au ministre Robert Krieps: la responsabilisation de l’action des pouvoirs publics, la défense des droits de l’Homme, le principe de la non-discrimination et la peine d’emprisonnement à perpétuité dans le contexte d’un « droit de la peine » soucieux des droits de l’Homme.
Robert Krieps a également été, à deux reprises, ministre des affaires culturelles et, dans cette fonction, il a démocratisé la culture, modernisé les instituts culturels et augmenté le soutien public aux initiatives privées dans ce domaine. Ses collaborateurs Guy Linster et Raymond Weber se souviennent des efforts de Krieps dans le domaine culturel et les contributions de son successeur au poste de Ministre de la Culture, Erna Hennicot-Schoepges, et des acteurs culturels Josiane Kartheiser, Germaine Goetzinger, Robert Grégoire et Claude Frisoni témoignent du fait qu’il a réussi à fondamentalement changer la conception de la «
politique culturelle » au Luxembourg.
La politique de l’éducation que Krieps engagea de 1974 à 1979, ensemble avec son secrétaire d’Etat Guy Linster, suscita des critiques massives de la part des conservateurs. Essayant de moderniser l’enseignement, il développa l’enseignement technique (contribution de Aly Schroeder), poussa la recherche pédagogique et essaya de réduire les échecs et d’ouvrir l’enseignement secondaire (contribution de Cornel Meder). De 1984 à 1989, il a également été le premier ministre responsable de l’environnement au Grand-Duché, créant les instruments nécessaires à une prise en compte sérieuse de l´écologie dans la politique globale. Son souci d’éducation dans ce domaine, et ce notamment de la jeunesse luxembourgeoise, est documenté par les témoignages de Gaby Kunsch, ancienne chargée de direction du SNJ, et de Franz-Charles Muller,
président actuel de NATURA.
Dans la deuxième partie de ce livre, les éditeurs ont rassemblé autour des mêmes quatre thèmes des textes originaux de Robert Krieps. On y trouve des articles, des discours et des prises de position qui n’ont rien perdu de leur actualité. En les rendant à nouveau accessibles au public, les éditeurs espèrent qu’ils puissent servir d’inspiration à tous ceux qui ont commencé à croire que « nos démocraties sont malades d’un excès de politique » et que « tout irait mieux sans les hommes politiques ». Car comme le rappelle Robert Krieps dans un texte de 1980 : « Les nouveaux espaces de liberté c’est le citoyen qui devra les créer dans la vie de tous les jours, par la part qu’il prendra à la vie de la cité, par son action politique et son engagement social. »